La « faillite silencieuse » : entre impatience et curiosité

Je suis administrateur d’une PME confrontée à des difficultés financières. Les conditions de la faillite semblent remplies car l’entreprise n’est plus à même de faire face à ses dettes et ne peut plus obtenir de soutiens financiers. En effet, les banques refusent de m’accorder de nouveaux crédits et je ne trouve plus d’investisseurs. 

Ceci me désole car mon entreprise, ses actifs et ses activités, ont de la valeur. Or, le fracas de la faillite aura pour effet de les dévaloriser immédiatement. Par ailleurs, j’ai encore de l’énergie pour poursuivre cette activité et l’emploi mérite d’être sauvé.

Que faire ?

La « faillite silencieuse » ou encore « pre-pack cession » a été introduite parmi les différents outils présents dans notre arsenal législatif. L’objectif de cette nouvelle procédure est de répondre à la problématique décrite ci-dessus, en permettant d’organiser la reprise d’une entreprise en préservant la valeur de ses activités et l’emploi.

Concrètement, l’entreprise en état virtuel de faillite peut désormais déposer une requête en « aveu de faillite » et solliciter concomitamment la préparation privée (la procédure est confidentielle) d’une reprise.

La procédure de la « faillite silencieuse » se déroule et se résume schématiquement comme suit :

  • une audience se tient à huis-clos (sans publicité donc) dans les 3 jours du dépôt de la requête ;
  • un « curateur potentiel » et un « juge commissaire potentiel » sont immédiatement désignés ;
  • pendant une durée de 30 jours (renouvelable), le curateur potentiel évaluera le sérieux de la proposition de reprise des actifs et/ou activités. Il s’agit donc d’une « auto-reprise » encadrée par le curateur qui veillera au respect des droits des créanciers. Quant à la relation du débiteur avec le curateur potentiel, il devrait s’agir d’une « collaboration  active » ;
  • durant cette période, l’entrepreneur reste « maître à bord » tout comme dans une procédure de réorganisation judiciaire. Par contre, son entreprise ne bénéficie pas d’un sursis le mettant à l’abri de ses créanciers ;
  • une fois le transfert préparé, la faillite sera ouverte et le transfert de l’entreprise s’organisera concomitamment.

Nous sommes impatients de voir les résultats de ce nouveau mécanisme. 

Les curateurs potentiels se l’approprieront-ils ? Les repreneurs potentiels l’activeront-ils à bon escient ? Le délai de 30 jours sera-t-il tenable pour les projets de transfert un peu compliqués ? La procédure de réorganisation judiciaire par transfert d’actifs survivra-t-elle à côté de celle-ci ? La procédure de la faillite silencieuse favorisera-t-elle réellement le maintien de l’emploi ?

La première requête en faillite silencieuse sera déposée cette semaine. Nous sommes partagés entre impatience et curiosité.

Tibault le Hardÿ

Associé chez Shape Law Firm

t.lehardy@shape.law